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cusant de méchanceté, je les lui défendis, ne voulant pas que d’autres que moi pussent voir son corps.

Du reste, puisque de toute manière Marthe devait passer un mois à Granville, je me félicitais de la présence de Jacques. Je me rappelais sa photographie en blanc que Marthe m’avait montrée le jour des meubles. Rien ne me faisait plus peur que les jeunes hommes, sur la plage. D’avance je les jugeais plus beaux, plus forts, plus élégants que moi.

Son mari la protégerait contre eux.

À certaines minutes de tendresse, comme un ivrogne qui embrasse tout le monde, je rêvassais d’écrire à Jacques, de lui avouer que j’étais l’amant de Marthe, et, m’autorisant de ce titre, de la lui recommander. Parfois j’enviais Marthe, adorée par Jacques et par moi. Ne devions-nous pas chercher ensemble à faire son bonheur ? Dans ces crises je me sentais amant complaisant.