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pire sur moi-même, garder les lettres fermées dans ma poche. Je remettais toujours ce régime au lendemain.


Un jour, impatienté par ma faiblesse, et dans un mouvement de rage, je déchirai une lettre sans la lire. Dès que les morceaux de papier eurent jonché le jardin, je me précipitai, à quatre pattes. La lettre contenait une photographie de Marthe. Moi si superstitieux et qui interprétais les faits les plus minces dans un sens tragique, j’avais déchiré ce visage. J’y vis un avertissement du ciel. Mes transes ne se calmèrent qu’après avoir passé quatre heures à recoller la lettre et le portrait. Jamais je n’avais fourni un tel effort. La crainte qu’il arrivât malheur à Marthe me soutint pendant ce travail absurde qui me brouillait les yeux et les nerfs.

Un spécialiste avait recommandé les bains de mer à Marthe. Tout en m’ac-