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de soupçons, il fallut que j’allasse me promener. D’habitude, jusqu’à la Marne, la route m’était légère. Ce soir-là, je me traînai, les cailloux me tordant le pied et précipitant mes battements de cœur. Étendu dans la barque, je souhaitai la mort, pour la première fois. Mais aussi incapable de mourir que de vivre, je comptais sur un assassin charitable. Je regrettais qu’on ne pût mourir d’ennui, ni de peine. Peu à peu ma tête se vidait, avec un bruit de baignoire. Une dernière succion, plus longue, la tête est vide. Je m’endormis.

Le froid d’une aube de juillet me réveilla. Je rentrai, transi, chez nous. La maison était grande ouverte. Dans l’antichambre mon père me reçut avec dureté. Ma mère avait été un peu malade : on avait envoyé la femme de chambre me réveiller pour que j’allasse chercher le docteur. Mon absence était donc officielle.

Je supportai la scène en admirant