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sa révolte contre les excellents préjugés bourgeois. Mais au contraire puisque, pour la première fois, je la mettais en garde, c’était une preuve que jusqu’alors je considérais que nous n’avions rien fait de mal.

Marthe regrettait cette espèce de voyage de noces scabreux. Elle comprenait, maintenant, ce qu’il avait d’impossible.

— Du moins, dit-elle, permets-moi de ne pas y aller.

Ce mot de « morale » prononcé à la légère m’instituait son directeur de conscience. J’en usai comme ces despotes qui se grisent d’un pouvoir nouveau. La puissance ne se montre que si l’on en use avec injustice. Je répondis donc que je ne voyais aucun crime à ce qu’elle n’allât pas à Bourges. Je lui trouvai des motifs qui la persuadèrent : fatigue du voyage, proche convalescence de Jacques. Ces motifs l’innocentaient, sinon aux yeux de Jacques, du moins vis-à-vis de sa belle-famille.