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Je me reprochais mes critiques, mes feintes, passant des journées à me demander si j’aimais Marthe plus ou moins que naguère. Mon amour sophistiquait tout. De même que je traduisais faussement les phrases de Marthe, croyant leur donner un sens plus profond, j’interprétais ses silences. Ai-je toujours eu tort ; un certain choc, qui ne se peut décrire, nous prévenant que nous avons touché juste. Mes jouissances, mes angoisses étaient plus fortes. Couché auprès d’elle, l’envie qui me prenait, d’une seconde à l’autre, d’être couché seul, chez mes parents, me faisait augurer l’insupportable d’une vie commune. D’autre part, je ne pouvais imaginer de vivre sans Marthe. Je commençais à connaître le châtiment de l’adultère.

J’en voulais à Marthe d’avoir, avant notre amour, consenti à meubler la maison de Jacques à ma guise. Ces meubles me devinrent odieux, que je