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herbes, des nénufars blancs et jaunes. Elle y reconnaissait les signes d’une passion incapable de se contenir, alors que me poussait surtout la manie de déranger, si forte. Puis nous amarrions le canot derrière de hautes touffes. La crainte d’être visibles ou de chavirer, me rendait nos ébats mille fois plus voluptueux.

Aussi ne me plaignais-je point de l’hostilité des propriétaires qui rendait ma présence chez Marthe très difficile.

Ma soi-disant idée fixe de la posséder comme ne l’avait pu posséder Jacques, d’embrasser un coin de sa peau après lui avoir fait jurer que jamais d’autres lèvres que les miennes ne s’y étaient mises, n’était que du libertinage. Me l’avouais-je ? Tout amour comporte sa jeunesse, son âge mûr, sa vieillesse. Étais-je à ce dernier stade où déjà l’amour ne me satisfaisait plus sans certaines recherches. Car si ma volupté s’appuyait sur l’habitude, elle s’avivait