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Mon père supportait tout, puis, sans transition, se cabrant, me reprochait ma paresse. Ces scènes se déchaînaient et se calmaient vite, comme les vagues.

Rien n’absorbe plus que l’amour. On n’est pas paresseux, parce que, étant amoureux, on paresse. L’amour sent confusément que son seul dérivatif réel est le travail. Aussi le considère-t-il comme un rival. Et il n’en supporte aucun. Mais l’amour est paresse bienfaisante, comme la molle pluie qui féconde.

Si la jeunesse est niaise, c’est faute d’avoir été paresseuse. Ce qui infirme nos systèmes d’éducation, c’est qu’ils s’adressent aux médiocres, à cause du nombre. Pour un esprit en marche, la paresse n’existe pas. Je n’ai jamais plus appris que dans ces longues journées qui, pour un témoin, eussent semblé vides, et où j’observais mon cœur novice comme un parvenu observe ses gestes à table.