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rent dans le raout un moyen avantageux pour elle de se fournir du dessert. Le maire, en personnage, avait paru juste quelques minutes ; ces quelques minutes et les huit litres de lait firent chuchoter qu’il était du dernier bien avec la fille des Marin, institutrice à l’école. Le mariage de Mlle Marin avait jadis fait scandale, paraissant peu digne d’une institutrice, car elle avait épousé un sergent de ville.

Je poussai la malice jusqu’à leur faire entendre ce qu’ils eussent souhaité faire entendre aux autres. Marthe s’étonna de cette tardive ardeur. Ne pouvant plus y tenir, et au risque de la chagriner, je lui dis quel était le but du raout. Nous en rîmes ensemble aux larmes.

Mme Marin, peut-être indulgente si j’eusse servi ses plans, ne nous pardonna pas son désastre. Il lui donna de la haine. Mais elle ne pouvait l’assouvir, ne disposant plus de moyens, et n’osant user de lettres anonymes.