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Jacques savait bien que ce n’était pas pour le plaisir de l’accompagner. Marthe, ne pouvant confier à personne les lettres à mon adresse, les mettait elle-même à la poste.

Je me félicitai encore plus de mon silence, car, si j’avais pu lui écrire, en réponse au récit des tortures qu’elle infligeait, je fusse intervenu en faveur de la victime. À certains moments je m’épouvantais du mal dont j’étais l’auteur ; à d’autres, je me disais que Marthe ne punirait jamais assez Jacques du crime de me l’avoir prise vierge. Mais comme rien ne nous rend moins « sentimental » que la passion, j’étais, somme toute, ravi de ne pouvoir écrire et qu’ainsi Marthe continuât de désespérer Jacques.

Il repartit sans courage.

Tous mirent cette crise sur le compte de la solitude énervante dans laquelle vivait Marthe. Car ses parents et son mari étaient les seuls à ignorer notre liaison, les propriétaires n’osant rien