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René, pour qui l’amour, dans l’amour, semblait un bagage encombrant, me plaisantait sur ma passion pour Marthe. Ne pouvant supporter ses pointes, je lui dis lâchement que je n’avais pas de véritable amour. Son admiration pour moi, qui ces derniers temps avait faibli, s’en accrut séance tenante.

Je commençais à m’endormir sur l’amour de Marthe. Ce qui me tourmentait le plus, c’était le jeûne infligé à mes sens. Mon énervement était celui d’un pianiste sans piano, d’un fumeur sans cigarettes.

René, qui se moquait de mon cœur, était pourtant épris d’une femme qu’il croyait aimer sans amour. Ce gracieux animal, Espagnole blonde, se désarticulait si bien qu’il devait sortir d’un cirque. René qui feignait la désinvolture était fort jaloux. Il me supplia mi-riant, mi-pâlissant, de lui rendre un service bizarre. Ce service, pour qui connaît le collège, était l’idée-type du