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comme ton mari, aussi brutal. » « Il n’est pas brutal », disait-elle. Je reprenais de plus belle : « Alors, tu nous trompes tous les deux, dis-moi que tu l’aimes, sois contente : dans huit jours tu pourras me tromper avec lui. »

Elle se mordait les lèvres, pleurait : « Qu’ai-je donc fait qui te rende aussi méchant ? Je t’en supplie, n’abîme pas notre premier jour de bonheur.

— Il faut que tu m’aimes bien peu pour qu’aujourd’hui soit ton premier jour de bonheur. »

Ces sortes de coups blessent celui qui les porte. Je ne pensais rien de ce que je disais, et pourtant j’éprouvais le besoin de le dire. Il m’était impossible d’expliquer à Marthe que mon amour grandissait. Sans doute atteignait-il l’âge ingrat, et cette taquinerie féroce, c’était la mue de l’amour devenant passion. Je souffrais. Je suppliai Marthe d’oublier mes attaques.