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J’étais heureux d’être témoin d’un de ses sacrifices. Dès qu’une maîtresse, un ami, sont en retard de quelques minutes à un rendez-vous, je les vois morts. Attribuant cette forme d’angoisse à sa mère, je savourais sa crainte, et que ce fût par ma faute qu’elle l’éprouvât.

Nous entendîmes la grille du jardin se refermer, après un conciliabule (évidemment, Mme Grangier demandait au rez-de-chaussée si on avait vu ce matin sa fille). Marthe regarda derrière les volets et me dit : « C’était bien elle. » Je ne pus résister au plaisir de voir, moi aussi, Mme Grangier repartant, son livre de messe à la main, inquiète de l’absence incompréhensible de sa fille. Elle se retourna encore vers les volets clos.