Page:Radiguet - Le Diable au corps, Grasset, 1923.djvu/102

Cette page a été validée par deux contributeurs.

nous tuât. Toute autre solution me semblait ridicule.

Envisager la mort avec calme ne compte que si nous l’envisageons seul. La mort à deux n’est plus la mort, même pour les incrédules. Ce qui chagrine, ce n’est pas de quitter la vie, mais de quitter ce qui lui donne un sens. Lorsqu’un amour est notre vie, quelle différence y a-t-il entre vivre ensemble ou mourir ensemble ?

Je n’eus pas le temps de me croire un héros, car, pensant que peut-être Jacques ne tuerait que Marthe, ou moi, je mesurai mon égoïsme. Savais-je même, de ces deux drames, lequel était le pire ?

Comme Marthe ne bougeait pas, je crus m’être trompé, et qu’on avait sonné chez les propriétaires. Mais la sonnette retentit de nouveau.

— Tais-toi, ne bouge pas ! murmura-t-elle, ce doit être ma mère. J’avais complètement oublié qu’elle passerait après la messe.