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LE BAL DU COMTE D’ORGEL

propos, à mettre des distances entre leur femme et le danger. Ce manque d’à-propos allait tirer son bouquet. Car Anne, qui s’était encore éclipsé, reparut coiffé du feutre tyrolien de Naroumof. Il esquissait un pas de danse russe. Cette confusion de folklores, ce chapeau vert à plume de coq, excitèrent le rire. Seul le prince semblait mal goûter ce numéro.

— Je m’excuse, dit-il. Ce chapeau est à moi. Il m’a été donné par des amis autrichiens, qui ne pouvaient rien m’offrir d’autre.

Un froid horrible paralysa les rieurs. Dans le tohu-bohu on avait presque oublié la présence de Naroumof. Il prenait maintenant figure de juge, rappelait l’inconscience à l’ordre, réveillait le respect dû au malheur. La folie collective apparaissait. Chacun accusait les autres de l’y avoir entraîné, en voulait encore plus à ceux qui avaient gardé de la mesure.

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