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LE BAL DU COMTE D’ORGEL

Anne d’Orgel fut agacé de cette absurde apostrophe. Il avait déployé une souplesse d’acrobate pour éviter la Russie, et rendait hommage à sa femme. Il lui attribuait ses puérils calculs ; il l’admirait d’avoir si bien tourné la difficulté, en s’isolant avec Naroumof. Elle le traitait avec respect, et du même coup empêchait que la conversation sinistre devînt générale.

Or voici que l’Américaine détruisait, d’une phrase, ce chef-d’œuvre.

Le prince Naroumof hésitait, s’exprimait avec une peine qui renforçait des paroles assez banales.

— Peut-on rendre les hommes responsables d’un tremblement de terre ? Ce qui doit arriver arrive. Je crois que la France est trop disposée à juger la Révolution russe d’après la sienne. Mais outre que dans un pays aussi étendu que le nôtre les choses se passent forcément d’une autre manière, le mot Révolution m’a toujours semblé impropre pour

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