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LE BAL DU COMTE D’ORGEL

pareil. Un homme qui a souffert n’a pas forcément vieilli. La transformation est plus profonde.

Au milieu des habits, des robes, Naroumof était seul. Il attribua sa solitude à son costume. Il n’avait plus cette belle confiance qui jadis l’aurait assuré que cela gênait les convives de n’être pas vêtus comme lui. L’éclat de la lumière, des voix le troublait. Il entendait mal ses voisines, se faisait répéter leurs paroles.

Cette conversation chatoyante le refoulait, ne voulait pas de lui. Il n’en pouvait suivre le fil, il la trouvait décousue. Sa rapidité le déconcertait, comme le jeu du furet quelqu’un malhabile de ses doigts.

Mme d’Orgel comprit le trouble de Naroumof. Elle-même ne se sentait guère assise. Ils finirent par s’isoler. Naroumof lui raconta la Russie. Mme d’Orgel défaillait. La Russie n’était pas la cause de son trouble mais un prétexte pour ne pas avoir à le cacher.

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