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menées au rivage, ne se distinguoit plus qu’à peine sur la surface obscure des flots. Quelquefois elle répétoit les vers que Valancourt avoit gravés en ce lieu ; puis, trop affectée des chagrins qu’ils lui renouveloient, elle cherchoit à se distraire.

Un soir qu’avec son luth elle erroit au hasard sur ce rivage favori, elle entra dans la tour. Elle monta un escalier tournant, et se trouva dans une chambre moins dégradée que le reste. C’étoit de là que souvent elle avoit admiré la vaste perspective que la mer et la terre lui offroient : le soleil se couchoit sur cette partie des Pyrénées qui sépare le Languedoc du Roussillon ; elle se plaça près d’une fenêtre grillée : les bois et les vagues au-dessous d’elle gardoient encore les nuances rougeâtres du soleil couchant. Ayant accordé son luth, elle y mêla le son de sa voix, et chanta un de ces airs, simples et champêtres qu’autrefois Valancourt écoutoit avec transport.

Le temps étoit si doux, si calme, qu’à peine le zéphyr du soir ridoit la surface de l’onde, ou gonfloit légèrement la voile qui recevoit encore les derniers rayons de lumière. Les coups mesurés de quelques rames troubloient seuls le repos et le silence. La tendre mélodie du luth achevoit de plon-