Après les premières crises, une sombre mélancolie s’empara d’elle, et fut rarement, jusqu’à sa mort, interrompue par des accès violens. Durant plusieurs années, son seul plaisir fut d’errer la nuit dans les bois. Elle portoit un luth, et y joignoit souvent la délicieuse mélodie de sa charmante voix ; elle répétoit les plus beaux airs de l’Italie avec l’énergique sentiment qui remplissent constamment son cœur. Le médecin qui prenoit soin d’elle, recommanda aux supérieures de tolérer ce caprice, comme le seul moyen de la calmer. On souffroit que la nuit elle parcourût les bois, suivie de la seule femme qu’elle avoit amenée d’Italie. Mais comme cette permission blessoit la règle, on la tint secrète ; et cette musique mystérieuse, liée à d’autres circonstances, fit répandre le bruit que le château et son voisinage étoient fréquentés par des revenans.
Avant l’égarement de sa raison, et avant de faire ses vœux de religion, elle avoit fait un testament. Outre le don important qu’elle assuroit au monastère, elle partageoit le reste de son bien, que ses pierreries rendoient considérable, entre une Italienne sa parente, épouse de M. de Bonnac, et le plus proche parent de la marquise de Villeroy. Emilie Saint-Aubert étoit l’unique