vert. Emilie se rappela avec émotion ce qu’avoit dit Dorothée sur l’usage où étoit la marquise de jouer du luth à cette fenêtre ; elle apperçut le luth lui-même sur un coin de la table, comme s’il y eût été mis au hasard par la même main qui l’animoit si souvent.
— Cette pièce est bien triste et bien mal rangée, dit Dorothée. Quand ma chère maîtresse fut morte, je n’eus jamais le courage de la remettre en ordre, ni sa chambre, non plus. Monsieur n’y est jamais rentré : tout est resté comme il étoit le jour de l’enterrement.
Pendant que Dorothée parloit, Emilie considéroit le luth. Il étoit espagnol, et d’une grandeur remarquable. Elle le prit d’une main tremblante, et promena ses doigts sur les cordes : elles n’étoient pas d’accord ; mais elles rendirent un son grave et plein. Dorothée tressaillit en reconnoissant les sons du luth, et en le voyant dans les mains d’Emilie. — Voilà ce luth, dit-elle, que madame la marquise aimoit tant ! Je me souviens qu’elle le toucha le soir même d’avant sa mort. Je venois pour la déshabiller ; j’entendis en entrant de la musique dans l’oratoire, je m’apperçus que madame étoit assise ; et, pour écouter, je