CHAPITRE VII.
Retournons pour un moment à Venise, où le comte Morano gémit sous une complication de malheurs. Bientôt après son arrivée dans cette ville, il avoit été arrêté par ordre du sénat ; et sans savoir de quoi il étoit accusé, il avoit été mis dans une prison si rigoureuse, que les recherches de ses amis n’avoient pu les aider à retrouver sa trace. Il n’avoit pu deviner à quel ennemi il devoit sa captivité, à moins que ce ne fût à Montoni, sur lequel ses soupçons s’arrêtoient. Ils étoient non-seulement probables, mais encore très-fondés.
Dans l’affaire de la coupe empoisonnée, Montoni avoit soupçonné Morano ; mais ne pouvant acquérir le degré de preuve nécessaire à la conviction de ce crime, il avoit eu recours à d’autres genres de vengeance, et espéré beaucoup de ses persécutions. Il employa une personne à laquelle il croyoit pouvoir se fier pour jeter une lettre d’accusation dans le dépôt des dénonciations secrètes, ou gueules de lion, qui se trouve à la galerie du doge, et sert à recevoir les avis anonymes relatifs aux personnes qui