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tance donnée. C’est ce qui étoit arrivé à Montoni. Il avoit acquis, à la fin, la preuve irrécusable de ce que déjà il soupçonnoit ; c’est que la fortune de Morano, au lieu d’être considérable, comme d’abord il l’avoit cru, étoit, au contraire, en assez mauvais état. Montoni n’avoit favorisé ses prétentions que par des motifs personnels, par orgueil, par avarice. Une alliance avec un noble véninitien auroit sûrement satisfait l’un, et l’autre spéculoit sur les propriétés d’Emilie, en Gascogne, qu’on devoit lui abandonner le jour même de son mariage. Il avoit, dès le premier moment, suspecté en quelque chose le dérangement et la folie du comte ; mais c’étoit seulement à la veille des noces projetées qu’il s’étoit convaincu de sa ruine. Il n’hésita pas à conclure que Morano le frustroit sûrement des propriétés d’Emilie, et cette pensée ne fut plus un doute quand, après être convenus de signer le traité la nuit même, le comte manqua à sa parole. Un homme aussi peu réfléchi, aussi distrait que Morano, dans un moment où ses noces l’occupoient, avoit bien pu oublier un pareil engagement, sans que ce fût à dessein mais Montoni n’hésita point à l’expliquer dans ses propres idées. Après avoir attendu long-temps l’arrivée du