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lucratif pour lui que le premier. Le rayon d’espérance que les premières paroles du comte avoient rendu à Emilie, fut presque étouffé par celles-ci. Sa physionomie peignit aussi-tôt son émotion, et Morano s’efforça d’en tirer quelque avantage.

Je perds du temps, dit-il ; je ne puis pas venu pour déclamer contre Montoni ; je suis venu solliciter, implorer Emilie ; je suis venu lui dire tout ce que je souffre, la conjurer de nous sauver tous deux, moi de mon désespoir, elle de sa perte. Emilie ! les projets de Montoni sont tels, que vous ne pouvez les concevoir ; je vous l’annonce y ils sont terribles. Il n’a aucun principe, quand l’intérêt ou l’ambition le conduisent. Puis-je vous adorer, et vous laisser en son pouvoir ? Fuyez, fuyez cette prison sinistre, avec l’amant qui vous adore. J’ai gagné un domestique ; les portes vont s’ouvrir ; demain, à l’aube du jour, vous serez presque à Venise.

Emilie étoit accablée du coup affreux qu’elle avoit reçu dans l’instant même où l’espérance avoit voulu renaître en son cœur. De tous côtés, elle se voyoit perdue. Incapable de répliquer, presque incapable de penser, elle se jeta sur une chaise, pâle et sans voix. Il étoit probable que Montoni