sentiment de ses maux passés, ni la crainte des maux futurs. Elle s’assit auprès de sa fenêtre, parce que de là elle entendoit des voix, quoique éloignées, et qu’elle voyoit du monde passer sur les terrasses. Quelque frivoles que fussent ces circonstances, elles suffisoient pour la ranimer : quand ses esprits furent un peu remis, elle réfléchit si elle rendroit compte à madame Montoni de ce qu’elle avoit vu. De nombreux, de puissans motifs l’en pressoient, et le moindre de tous, c’étoit l’espoir du secours qu’un esprit trop préoccupé trouve à parler de ce qui le remplit : cependant l’effroi des conséquences terribles qu’une pareille confidence ne pourroit manquer d’avoir, la crainte de l’indiscrétion de sa tante, la déterminèrent à la fin à s’armer d’une force nouvelle et à garder le plus profond silence. Montoni et Verezzi, bientôt après, passèrent sous les fenêtres ; ils causoient gaîment : leurs voix lui rendirent un peu de vie. Les signors Bertolini et Cavigni les rejoignirent sur la terrasse. Emilie, supposant alors que madame Montoni se trouvoit seule, sortit pour aller la trouver : la solitude de sa chambre, le voisinage du lieu où elle avoit reçu un coup si accablant, suffisoient bien d’ailleurs pour l’agiter encore.
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