blement. Elle prépara ses crayons, se trouvant assez tranquille pour songer à tracer l’esquisse du sublime point de vue que sembloit encadrer sa fenêtre. Soudain elle suspendit la jouissance de ce plaisir ; elle se rappela combien de fois elle avoit entrepris un amusement de ce genre, et combien de fois de nouveaux malheurs imprévus l’avoient empêchée de s’y livrer.
Comment puis-je, se disoit-elle, me laisser tromper par l’espoir ? le comte n’est pas arrivé, et cela me rendroit heureuse. Hélas ! que m’importe qu’il vienne aujourd’hui ou demain ? Il viendra enfin ; ce seroit s’aveugler que d’en vouloir douter.
Pour échapper à ces pénibles réflexions, elle essaya de se mettre à lire ; mais son attention ne pouvoit se fixer sur la page qui étoit sous ses yeux ; elle finit par jeter le livre, et résolut de parcourir le château. Son imagination se ranimoit à la vue de cette grandeur antique : une sorte de crainte respectueuse ébranloit toutes ses idées à mesure qu’elle avançoit à travers tant d’appartemens obscurs, isolés, et où depuis tant d’années personne, sans doute, n’avoit porté ses pas. Elle se rappeloit l’étrange histoire de l’ancienne propriétaire ; ce souvenir réveilla en elle celui du