Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T3.djvu/33

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

teau, le pays qui l’environnoit, et s’efforça d’adoucir tout ce qui pouvoit le rendre odieux. Si le malheur avoit en quelque sorte rompu la dureté du caractère de madame Montoni, et lui avoit appris dans ses souffrances à compatir à celles des autres, le caprice, la domination que la nature avoit mise dans son cœur, n’en étoient point encore bannis. Elle ne put se refuser au plaisir de tyranniser l’innocente et triste Emilie, en jetant du ridicule sur un goût qui n’étoit pas le sien.

Son discours satirique fut néanmoins interrompu par l’arrivée de Montoni ; et sa physionomie prit un mélange de ressentiment et de crainte. Montoni se mit à table, sans paroître s’appercevoir qu’il y eût quelqu’un autour de lui.

Emilie qui l’observoit en silence, vit dans ses traits une expression plus sombre et plus sévère que de coutume. Oh ! si je pouvois savoir, se disoit-elle, tout ce qui roule dans cet esprit ; si je pouvois découvrir les pensées qu’il médite, je ne serois pas condamnée à des doutes si accablans ! Le déjeûner se passa dans le silence, jusqu’au moment où Emilie risqua de demander un autre appartement, et rapporta les motifs de sa demande.