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la destinoit aujourd’hui à quelque acheteur plus opulent.

Au milieu des reproches que Morano avoit adressés à Montoni, le comte avoit dit qu’il ne quitteroit pas le château que Montoni osoit appeler le sien, et qu’il ne lui laisseroit pas, s’il le pouvoit, un autre meurtre sur la conscience. De pareilles ouvertures pouvoient bien, il est vrai, n’avoir d’autre origine que la passion du moment ; mais Emilie, maintenant, étoit portée à les croire très-sérieuses : elle frémissoit de se voir entre les mains d’un homme qui pouvoit les mériter. Considérant enfin que toutes ces réflexions ne changeroient rien à son sort, ne lui donneroient pas plus de courage pour le supporter, elle essaya de se distraire, et tira de sa bibliothèque un exemplaire de l’Arioste, son auteur favori. L’imagination, la richesse, la fécondité de ses tableaux n’avoient plus le don d’enchanter ses esprits ; toutes leurs grâces n’atteignirent point son cœur ; elles jouèrent sur ses fibres engourdies sans réussir à les réveiller un instant.

Elle remit le livre, et prit son luth. Rarement ses chagrins refusoient de céder aux effets magiques de l’harmonie. Quand ils y résistoient, il falloit qu’elle fût oppressée