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soit écrasé de dettes, tellement que ni ce château, ni la maison de Venise ne lui resteroient, si ses dettes honorables ou déshonorantes se trouvoient payées ?

— Je suis affligée de ce que vous me dites, dit Emilie.

— Et n’est-il pas bien suffisant, interrompit madame Montoni, qu’il m’a traitée avec cette négligence, avec cette cruauté, parce que je lui refusois mes contrats ; parce qu’au lieu de trembler à ses menaces, je l’ai défié avec résolution, et lui ai reproché une si honteuse conduite ? je l’ai pendant long-temps soufferte avec douceur. Vous savez bien, ma nièce, si jamais un mot de plainte m’est échappé jusqu’à présent ; une franchise comme la mienne, abusée ! moi, dont le seul tort est une trop grande bonté, une générosité trop facile ! je me vois enchaînée pour la vie à ce vil, perfide et cruel monstre !

— Le défaut de respiration obligea madame Montoni à s’arrêter. Si quelque chose en ce moment eût pu faire sourire Emilie, ç’auroit été sans doute le ton et l’accent de sa tante ; la véhémence de ses gestes, et celle de ses mouvemens alloit presque jusqu’au burlesque. Emilie vit que ses malheurs n’admettoient point de consolation