oui, non et oui. Je suis sûre que c’est un tableau. Je l’ai vu. Il n’est pas voilé.
Le ton, l’air de surprise avec lesquels tout cela fut dit, rappelèrent à Emilie sa prudence ordinaire ; un sourire dissimula son émotion. Elle dit à Annette de la conduire à son tableau. Il étoit dans une chambre mal éclairée, voisine de celle où se tenoient les domestiques. Il s’y trouvoit d’autres portraits couverts, comme celui-là, de poussière et de toiles d’araignées.
— Le voilà, mademoiselle, dit Annette d’une voix basse et en le montrant. Emilie s’avança et regarda le tableau. Il représentoit une dame à la fleur de l’âge et de la beauté. Les traits en étoient nobles, réguliers, pleins d’une expression forte, mais non pas de cette séduisante douceur que vouloit trouver Emilie, et de cette mélancolie pensive qu’elle aimoit à rencontrer. C’étoit une physionomie qui parloit mieux le langage de la passion que celui d’un vrai sentiment ; une fierté impatiente sous le poids du malheur, mais non pas la tristesse tranquille d’un esprit qui gémit, et qui pourtant se résigne.
— Combien s’est-il passé d’années, dit Emilie, depuis que cette dame a disparu ?
— Vingt ans, mademoiselle, ou environ,