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silence lui devinrent plus fréquens ; Emilie montra beaucoup d’empressement à les interrompre ; elle qui jusqu’alors avoit été si réservée, causoit et parloit continuellement, tantôt des bois, tantôt des vallons ou des montagnes, plutôt que de s’exposer au danger de certains momens de silence et de sympathie.

La route de Beaujeu montoit fort rapidement : ils se trouvèrent dans les montagnes les plus élevées ; la sérénité et la pureté de l’air, dans ces hautes régions, ravissoient les trois voyageurs ; elles sembloient alléger leur ame, et leur esprit en paroissoit plus pénétrant. Ils n’avoient point de mots pour des émotions si sublimes ; celles de Saint-Aubert recevoient une expression plus solemnelle, ses larmes coûtaient, et il cheminoit à l’écart, Valancourt parloit de temps en temps pour diriger l’attention d’Emilie ; la ténuité de l’atmosphère, qui lui laissoit distinguer tous les objets, la trompoit quelquefois, et toujours avec plaisir. Elle ne pouvoit croire si loin d’elle, ce qui lui paroissoit si rapproché ; le profond silence de cette solitude n’étoit interrompu que par le cri des aigles qui planoient dans l’air, et le bruissement sourd des torrens qui grondoient