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teau, à l’entrée des bois et tout près de la vallée. Il avoit été, comme Saint-Aubert, cruellement désabusé de l’opinion qu’il avoit eue des hommes ; mais comme lui il ne se bornoit pas à s’en affliger, et à les plaindre ; il sentoit plus d’indignation contre leurs vices, que de compassion pour leurs foiblesses.

Saint-Aubert fut surpris de le voir. Souvent il l’avoit pressé de visiter sa famille, et n’avoit pu l’obtenir : il vint ce jour-là sans cérémonie, sans réserve, et entra dans la maison, comme auroit fait un vieil ami. Les besoins du malheur sembloient avoir adouci sa rudesse et renversé ses préjugés. La désolation de Saint-Aubert sembloit l’unique idée qui remplît son esprit ; ses manières, plus que ses discours, exprimoient son émotion : il parla peu du sujet de leur affliction ; mais ses attentions délicates, le son de sa voix, l’intérêt de ses regards, exprimoient le sentiment de son cœur, et ce langage fut entendu.

À cette douloureuse époque, Saint-Aubert fut visité par madame Chéron, l’unique sœur qui lui restât. Elle étoit veuve depuis plusieurs années, et habitoit alors ses propres terres auprès de Toulouse. Leur correspondance n’avoit pas été bien