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la cause, et j’ai remarqué même que les gens dont il s’éloignoit étoient toujours bien plus aimables que ceux dont il s’engouoit ; mais on ne dispute pas des goûts. Il étoit dans l’usage de se fier beaucoup à la physionomie ; c’est un ridicule enthousiasme. Qu’est-ce que le visage d’un homme a de commun avec son caractère ? un homme de bien pourra-t-il s’empêcher d’avoir une figure désagréable ! Madame Chéron débita cette sentence avec l’air triomphant d’une personne qui croit avoir fait une grande découverte, qui s’en applaudit, et qui n’imagine pas qu’on puisse lui répliquer.

Emilie, qui desiroit finir cet entretien, pria sa tante d’accepter quelques rafraîchissemens. Madame Chéron la suivit au château, mais sans se désister d’un sujet qu’elle traitoit avec tant de complaisance pour elle-même, et si peu d’égards pour sa nièce.

Je suis fâchée, ma nièce, dit madame Chéron, relativement à quelques mots d’Emilie sur la physionomie, je suis fâchée que vous ayez adopté la plupart des préjugés de votre père, et sur-tout ces prédilections subites au premier coup-d’œil. Autant que je puis le voir, vous vous croyez fort amoureuse d’un jeune homme que vous avez vu trois jours. Il y a, j’en conviens, quelque