Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T1.djvu/21

Cette page a été validée par deux contributeurs.

délicatesse d’esprit, des affections vives, et une facile bienveillance ; mais on pouvoit distinguer néanmoins une susceptibilité trop grande pour comporter une paix durable. En avançant vers la jeunesse, cette sensibilité donna un tour réfléchi à ses pensées, une douceur à ses manières, qui ajoutoient la grace à la beauté, et la rendoient bien plus intéressante aux personnes douées d’une disposition analogue. Mais Saint-Aubert avoit trop de bon sens pour préférer un charme à une vertu ; il avoit assez de pénétration pour juger combien ce charme étoit dangereux à celle qui le possédoit, et il ne pouvoit s’en applaudir. Il tâcha donc de fortifier son caractère, de l’habituer à dominer ses penchans ; et à se maîtriser elle-même ; il lui apprit à retenir le premier mouvement, et à supporter de sang-froid les innombrables contrariétés de la vie. Mais pour lui apprendre à se contraindre, à se donner cette dignité calme qui peut seule contrebalancer les passions et nous élever au-dessus des événemens et des disgraces, lui-même avoit besoin de quelque courage, et ce n’étoit pas sans effort qu’il paroissoit voir tranquillement les larmes, les petits chagrins, que sa prévoyante sagacité occasionnoit quelquefois à Emilie.