Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T1.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

celle-ci aimoit la vie dissipée, et sa grande fortune lui permettoit d’en jouir. Après avoir écrit sa lettre, Emilie se trouva plus tranquille.

Elle reçut la visite de M. Barreaux, qui regrettoit sincèrement Saint-Aubert. Je puis, bien pleurer mon ami, disoit-il, je ne trouverai jamais quelqu’un qui lui ressemble. Si j’avois rencontré un seul homme comme lui dans le monde, je n’y aurois pas renoncé.

Le sentiment de M. Barreaux pour Saint-Aubert le rendoit extrêmement cher à sa fille ; sa plus grande consolation étoit de parler de ses parens avec un homme qu’elle révéroit beaucoup, et qui, sous un extérieur peu agréable, cachoit un cœur si sensible, un esprit si distingué.

Plusieurs semaines se passèrent dans une retraite paisible ; et le chagrin d’Emilie se transformoit en une mélancolie douce ; elle pouvoit déjà lire, et même lire les livres qu’elle avoit lus avec son père, s’asseoir à sa place dans sa bibliothèque, arroser les fleurs qu’il avoit plantées, toucher les instrumens qu’il avoit fait parler, et même de temps en temps jouer son air favori.

Quand son esprit fut remis de ce premier choc, elle comprit le danger de céder à l’indolence ; et pensant qu’une activité sou-