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soir et le feuillage, augmentait le religieux effet de ce lieu, où tout lui parloit de son père. Elle apperçut la chaise dans laquelle il se plaçoit ; elle fut interdite à cet aspect, et s’imagina presque l’avoir vu lui-même devant elle. Elle réprima les illusions d’une imagination troublée, mais ne put empêcher un certain effroi respectueux, qui se mêloit à ses émotions. Elle avança doucement jusqu’à la chaise, et s’y assit. Elle avoit près d’elle un pupitre, et sur ce pupitre un livre que son père n’avoit pas fermé ; et reconnaissant la page ouverte, elle se ressouvint que, la veille du départ, Saint-Aubert lui en avoit lu quelque chose : c’étoit son auteur favori. Elle regarda le feuillet, pleura, et le regarda encore : ce livre étoit sacré pour elle, elle ne l’auroit pas dérangé, elle n’auroit pas fermé la page ouverte pour tous les trésors du monde : elle resta devant le pupitre, ne pouvant se résoudre à le quitter.

Au milieu de sa rêverie, elle vit la porte s’ouvrir avec lenteur ; un son qu’elle entendit à l’extrémité de l’appartement, la fit tressaillir, elle crut appercevoir un peu de mouvement. Le sujet de sa méditation, l’épuisement de ses esprits, l’agitation de ses sens lui causèrent une terreur soudaine ;