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Elle avoit voyagé long-temps avant que le spectacle qui se déployoit sous ses yeux eût pu la distraire. Abîmée dans la mélancolie, elle ne remarqua tant d’objets enchanteurs que pour se rappeler mieux son père. Saint-Aubert étoit avec elle, quand elle les avoit vus d’abord, et ses observations sur chacun d’eux se retraçoient à sa mémoire. La journée se passa dans la langueur, dans l’abattement ; elle coucha cette nuit sur la frontière du Languedoc, et le lendemain elle entra en Gascogne.

À la chute du jour, Emilie se retrouva dans le voisinage de la Vallée. Tous les lieux qu’elle connoissait si bien lui rappelèrent des souvenirs déchirans, qui réveilloient toute sa tendresse et sa douleur ; elle regardoit à travers ses larmes les Pyrénées majestueuses que des nuances pourprées, jointes aux ambres du soir ornoient alors de riches teintes. Là, s’écria-t-elle, là sont les mêmes rochers ; voilà le même bois de sapins, qu’il regardoit avec tant de plaisir quand nous passâmes ensemble dans ce lieu. Voilà cette chaumière qui se découvre parmi les cèdres, et dont il m’avait fait tracer l’esquisse ! Ô mon père ! je ne vous verrai plus !

En approchant du château, ces tristes