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frir quelquefois, et conserver une délicatesse exquise pour le bonheur. Mais quand votre ame sera froissée par de longues vicissitudes, vous aimerez le repos et vous renoncerez aux illusions ; vous échangerez alors le fantôme du bonheur pour sa substance ; le bonheur naît de la paix et non pas du tumulte ; il est d’une nature uniforme, tempérée, et ne peut pas plus exister dans un cœur trop susceptible, que dans un cœur mort pour le sentiment. Vous voyez, ma chère, qu’en vous parlant des dangers de la sensibilité, je ne plaide point pour l’apathie. J’aurois dit, à votre âge, que ce vice étoit plus redoutable que toutes les erreurs de la sensibilité, je le dis encore ; je nomme l’apathie un vice, parce qu’elle conduit à un mal positif ; en cela néanmoins, elle diffère peu d’une sensibilité mal gouvernée, et qui, d’après cette règle, mériteroit aussi le nom de vice ; mais les résultats du premier sont d’une conséquence plus générale. Je suis épuisé, ajouta Saint-Aubert d’une voix foible. Je vous ai fatiguée, mon Emilie ; un sujet aussi important pour votre consolation future demandoit une explication.