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sance, ou pour bien dire, qu’il l’acceptoit. La scène qui succéda entre Saint-Aubert et Emilie, affecta tellement Voisin, qu’il sortit encore de la chambre, et la laissa seule avec son père. Son abattement étoit extrême, mais ni la connoissance ni la voix ne lui manquoient ; il employa ces intervalles à donner des conseils à sa fille sur la conduite de toute sa vie. Jamais peut-être ses idées n’avoient été plus nettes, et peut-être jamais il ne s’étoit mieux exprimé.

Sur-tout, ma chère Emilie, disoit-il, ne vous livrez pas à la magie des beaux sentimens, c’est l’erreur d’un esprit aimable ; mais ceux qui possèdent une véritable sensibilité doivent savoir de bonne heure combien elle, est dangereuse ; c’est elle qui tire de la moindre circonstance un excès de malheur ou de plaisir. Dans notre passage à travers ce monde, nous rencontrons bien plus de maux que de jouissances ; et comme le sentiment de la peine est toujours plus vif que celui du bien-être, notre sensibilité nous rend victimes, quand nous ne savons pas la modérer et la contenir. Vous direz, car vous êtes jeune, mon Emilie, vous direz certainement qu’il vaut mieux souf-