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quelque riche alliance, ou tenté de réussir par les manœuvres de l’intrigue. Pour ce dernier plan, Saint-Aubert avoit dans l’ame trop d’honneur, trop de délicatesse ; et quant au premier, il avoit trop peu d’ambition pour sacrifier ce qu’il appeloit le bonheur à l’acquisition des richesses. Après la mort de son père, il épousa une femme aimable, son égale en naissance aussi bien qu’en fortune. Le luxe et la générosité de son père avoient tellement obéré le patrimoine qu’il lui avoit laissé, qu’il fut forcé d’en aliéner une partie. Quelques années après son mariage, il le vendit à M. Quesnel, frère de sa femme, et se retira dans une petite terre en Gascogne, où le bonheur conjugal et les devoirs paternels partagèrent son temps avec les charmes de l’étude et de la méditation.

Depuis long-temps ce lieu lui étoit cher ; il y étoit venu souvent dans son enfance, et conservoit encore l’impression des plaisirs qu’il y avoit goûtés : il n’avoit oublié ni le vieux paysan qu’on chargea alors de veiller sur lui, ni ses fruits, ni sa crème, ni ses caresses. Les vertes prairies où, plein de santé, de joie et de jeunesse, il avoit si souvent bondi parmi les fleurs ; les bois, dont le frais ombrage avoit entendu ses premiers soupirs