Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T1.djvu/121

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

causoit avec Emilie, mais sa gaîté étoit plus feinte que naturelle, et des nuages de tristesse voiloient souvent ses regards, un sourire d’Emilie suffisoit pour les dissiper ; mais elle-même avoit le cœur flétri, et voyoit bien que les chagrins de son père minoient tous les jours sa santé.

Ils n’arrivèrent que tard à une petite ville du Haut-Languedoc ; ils avoient le projet d’y coucher, la chose devint impossible ; la vendange remplissoit toutes les places, il fallut gagner un village plus loin ; la lassitude et la souffrance de Saint-Aubert demandoient un prompt repos, et la soirée étoit fort avancée : mais la nécessité n’admet point de composition, et Michel continua son chemin.

Les riches plaines du Languedoc, au fort des vendanges, retentissoient des saillies et de la bruyante gaîté française. Saint-Aubert n’en pouvoit plus jouir ; son état contrastoit trop tristement avec la pétulance, la jeunesse et les plaisirs qui l’entouroient. Quand ses yeux languissans se tournoient sur cette scène, il songeoit que bientôt ils ne s’ouvriroient plus. Ces montagnes éloignées et sublimes, se disoit-il en regardant les Pyrénées et le couchant, ces belles plaines, cette voûte bleue, la douce