Page:Radcliffe - Le confessionnal des pénitents noirs, 1916.djvu/22

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LES TORTURES D’ELENA.


Plusieurs jours s’étaient écoulés depuis l’arrivée d’Elena dans le monastère de San-Stephano, sans qu’il lui fut permis de sortir de sa chambre. Enfermée sous clef, elle ne voyait personne, si ce n’est la religieuse qui lui apportait quelques aliments, la même qui l’avait reçue aux portes du couvent.

Lorsqu’on pensa que son courage pouvait être brisé par ce long isolement, on la manda au parloir. L’abbesse l’y attendait seule et la sévérité de son accueil prépara l’orpheline à une scène des plus sérieuses. Après un exorde sur la noirceur de son crime et sur la nécessité de sauver l’honneur d’une famille que sa conduite désordonnée avait failli compromettre, l’abbesse lui déclara qu’elle devait se déterminer à prendre le voile sur le champ ou bien à accepter le mari que la marquise Vivaldi avait eu l’extrême bonté de choisir pour elle.

— Madame, répondit Elena, je rejette également les deux offres que vous me faites. Jamais je ne me condamnerai volontairement à être enfermée dans un cloître, ni à subir la dégradation dont vous me menacez.

La surprise et l’indignation se peignirent sur les traits de l’abbesse. Jamais on ne lui avait tenu tête avec cette fermeté :

— Sortez ! fut le seul mot qu’elle put dire en se levant de son fauteuil.

Elena fut reconduite dans sa cellule.

Le soir du cinquième jour on lui permit d’assister aux vêpres. Elle suivit les religieuses à l’office. Les chants émurent son cœur. Parmi les voix qui la charmaient, une surtout fixa son attention. Elle remarqua alors la religieuse qui chantait. Son voile était assez léger pour laisser entrevoir la beauté de ses traits. À la sortie de l’église, comme celle-ci passait près d’elle, elle lui jeta un regard si doux et si expressif que la religieuse s’arrêta et regarda un instant la nouvelle venue. Elle parut émue et elle