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l’abandonner à son malheur ! Lui qui a reçu ma foi, qui a droit de réclamer ma main, legs sacré d’une amie mourante, et qui déjà possède tout mon cœur ! Cruelle alternative ! Ne pouvoir écouter la voix de l’honneur et de la raison sans abjurer les sentiments les plus purs, sans détruire de mes propres mains le bonheur de toute ma vie ! Mais que dis-je ? L’honneur et la raison me commandent-ils de sacrifier ainsi celui qui sacrifiait tout pour moi et de le livrer à une éternelle douleur, pour satisfaire aux vains préjugés de son orgueilleuse famille ?… »

La pauvre Elena reconnaissait trop tard qu’elle ne pouvait suivre les conseils d’un juste orgueil sans trouver dans son cœur une résistance imprévue. Et quoiqu’elle envisageât toute l’étendue et la puissance des obstacles placés entre elle et Vivaldi par le marquis et la marquise, elle ne pouvait s’arrêter à l’idée d’être séparée de lui pour toujours. Il ne lui restait plus qu’à se soumettre aveuglément à sa destinée ; car abandonner Vivaldi pour prix de sa liberté ou subir l’humiliation d’un mariage secret, s’il parvenait à la délivrer, ni l’un ni l’autre de ces partis ne lui paraissait acceptable. Puis, après tout cela, lorsqu’elle venait à penser au peu de probabilité que Vivaldi parvînt jamais à découvrir sa retraite, la vive douleur qu’elle en ressentait montrait assez qu’elle craignait bien plus de le perdre que d’acheter sa présence par les plus cruels sacrifices et que, de tous les sentiments qui luttaient dans son âme, le plus puissant était encore son amour.