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roulant sur ses gonds ou par des sons confus et éloignés qui semblaient être des gémissements et des cris arrachés par la douleur. De temps en temps, des inquisiteurs, revêtus de leur longue robe noire, traversaient la salle sans bruit, comme des fantômes qui glisseraient sur les dalles. Ils regardaient les nouveaux prisonniers d’un visage impassible et distrait, pressés apparemment d’aller remplir leurs horribles fonctions. À cette vue, Vivaldi réfléchissait avec autant d’étonnement que d’indignation à tous les maux que la méchanceté de l’homme peut infliger à l’homme et à l’insolence du bourreau qui, en égorgeant sa victime, ose encore s’armer du prétexte de la justice et de la nécessité. « Est-ce possible ? se demandait-il. Une telle perversité est-elle bien dans la nature humaine ? » L’homme si vain de sa raison et de sa conscience éclairée, l’homme si supérieur à tout être créé, a-t-il pu se laisser aller à un excès de folie et de cruauté dont n’approcha jamais la férocité des animaux les plus sauvages ? Vivaldi avait bien entendu parler des arrêts sanglants de l’Inquisition ; mais ce qu’il en avait appris n’avait pas ce caractère de certitude qui frappait alors son esprit. Et quand il songeait qu’Elena était, en même temps que lui, au pouvoir de ce terrible tribunal, son désespoir allait jusqu’à la frénésie : dans son exaltation, il se sentait animé d’une force surnaturelle et prêt à tenter l’impossible pour la délivrer. Ce ne fut que par un violent effort sur lui-même qu’il parvint à se rendre compte de son impuissance et à s’armer de résignation. Son âme reprit de la fermeté et son maintien aussi bien que sa physionomie retrouvèrent