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TRAGÉDIE. 51

Un fonge ( me devrois-je inquiéter d'un fonge ? ) Entretient dans mon cœur un chagrin qui le ronge. Je l'évite par-tout j par-tout il me pourfuit.

C'étoit pendant l'horreur d'une profonde nuit. Ma mère Jézabcl devant moi s'eft montrée , Comme au jour de fa mort pompeufement parée. Ses malheurs n'avoient point abattu fa fierté , Même elle avoit encor cet éclat emprunté , Dont elle eut foin de peindre & d'orner fon vifage , Pour réparer des ans l'irréparable outrage. Tremble , m'a t-elle dit, fille digne de moi. Le cruel Dieu des Juifs l'emporte aufli fur toi. Je te plains de tomber dans fes mains redoutables , Ma fille. En achevant ces mots épouvantables , Son ombre vers mon lit a paru fe baifTer. Et moi, je lui tendois hs mains pour l'embrafTer, Mais je n'ai plus trouvé qu'un horrible mélange D'os & de chair meurtris , ôc traînés dans la fange , Des lambeaux pleins de fang & des membres aftrcux , Que des chiens dévorans fe difputoient entre eux.

A B N E R.

Grand Dieu l

A T H A L I E.

Dans ce défordre à mes yeux fe préfente Un jeune enfant couvert d'une robe éclatante , Tels qu'on voit des Hébreux les prêtres revêtus. Sa vue a ranimé mes efprits abattus ; Mais , lorfque revenant de mon trouble funefte , J'admirois fa douceur, fon air noble & modefte , J'ai fenti tout-à-coup un homicide acier , Que le traître en mon fein a plongé tout entier. De tant d^objets divers le bifarre affemblage Peut-être du hafard vous paroît un ouvrage. Moi-même , quelque temps hontcufe de ma peur ? Je l'ai pris pour l'efFet d'une fombre vapeur. Mais de ce fouvenir mon ame pofledée A deu:i fois , ea dormant, revu la même idée.

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