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TRAGÉDIE.


Le traître , il infultoit à ma confufîon î Et tout le peuple même , avec dérifion , Obfeivanc la rougeur qui couvroit mon vifage > De ma chute certaine en tiroir le préfage. Roi cruel , ce font là les jeux où tu te plais î Tu ne m'as prodigué tes perfides bienfaits , Que pour me faire mieux fentir ta tyrannie » Et m'accabler enfin de plus d'ignominie.

Z A R É s. Pourquoi juger si mal de son intention ? Il croit récompenser une bonne action. Ne faut-il pas , Seigneur , s'étonner au contraire Qu'il en ait si long-temps différé le salaire ! Du reste , il n'a rien fait que par votre conseil. Vous-même avez dicté tout ce triste appareil. Vouj êtes après lui le premier de l'empire. Sait-il toute l'horreur que ce Juif vous inspire !

Aman. Il fait qu'il me doit tout, ôc que pour fa grandeur," J'ai foulé fous les pieds remords, crainte, pudeur 5 Qu'avec un cœur d'airain exerçant fa puiffance , J'ai fait taire les loix , & gémir l'innocence ; Que pour lui , des Perfans bravant l'averfion , J'ai chéri , j'ai cherché la malédidion. Et pour prix de ma vie à leur haine oppofée J Le barbare aujourd'hui m'expofe à leur rifée.

Z A R É s. Seigneur , nous fommes feuls. Que fert de fe flatter ? Ce zèle que pour lui vous fîtes éclater. Ce foin d'immoler tout à fon pouvoir fuprême , Entre nous, avoient-ils d'autre objet que vous-même ? Et fans chercher plus loin, tous ces Juifs défolés , N'ert-ce pas à vous feul que vous les immolez î Et ne craignez-vous point que quelque avis funefte • . ; Enfin la cour nous hait, le peuple nous dételle. Ce Juif même, il le faut confefler malgré moi , Ce Juif, comblé d'honneurs, me caufe quelque efftoî.

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