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TRAGÉDIE. yy

Que la feule équité règne en tous mes avis.

Mais lui-même , après tout , fût-ce fon propre fils ,

Voudroit-il un moment laifler vivre un coupable î

A B N E R,

De quel crime un enfant peut-il être capable ?

M A T H A N.

Le ciel nous le fait voir un poignard à la main. Le ciel eft jufte &: fage , & ne fait rien en vain. Que cherchez vous de plus ?

A B N E R.

Mais , fur la foi d'un fonge ; Dans le fang d'un enfant voulez-vous qu'on fe plonge f Vous ne favez encor de quel père il ell né , Quel il eft.

M A T H A N. ■

On le craint , tout eft examiné, A d'illuftres parens s'il doit fon origine , La fplendeur de fon fort doit hâter fa ruine. Daris le vulgaire obfcur fî le fort l'a placé , Qu'importe qu'au hafard un fang vil foit verfé î Eft-ce aux rois à garder cette lente juftice ? Leur fureté fouvent dépend d'un prompt fupplïce. N'allons point les gêner d'un foin embarraflant. Dès qu'on leur eft fufped , on n'eft plus innocent.

A B N E R..

He quoi, Matban ? D'un prêtre eft-ce là le langage ? Moi , nourri dans la guerre aux horreurs du carnage , Des vengeances des rois miniftre rigoureux , C'eft moi qui prête ici ma voix aux malheureux î Et vous, qui leur devez des entrailles de père : Vous , miniftre de paix dans les temps de colère , Couvrant d'un zèle faux votre reftentiment , Le fang à votre gré coule trop lentement ?

Vous m'avez commandé de vous parler fans feinte , Madame. Quel eft donc ce grand fujet de crainte î Un fonge , un foible enfant , que votre œil prévenu Peut-être fans raifon croie avoir reconnu.

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