Et pourquoi de son cœur doutez-vous aujourd'hui?
Roxane
Mais m'en répondez-vous, vous qui parlez pour lui?
Atalide
Quoi, Madame? les soins qu'il a pris pour vous plaire,
Ce que vous avez fait, ce que vous pouvez faire,
Ses périls, ses respects, et surtout vos appas,
Tout cela de son cœur ne vous répond-il pas?
Croyez que vos bontés vivent dans sa mémoire.
Roxane
Hélas! pour mon repos que ne le puis-je croire?
Pourquoi faut-il au moins que, pour me consoler,
L'ingrat ne parle pas comme on le fait parler?
Vingt fois, sur vos discours pleine de confiance,
Du trouble de son cœur jouissant par avance,
Moi-même j'ai voulu m'assurer de sa foi,
Et l'ai fait en secret amener devant moi.
Peut-être trop d'amour me rend trop difficile;
Mais, sans vous fatiguer d'un récit inutile,
Je ne retrouvais point ce trouble, cette ardeur
Que m'avait tant promis un discours trop flatteur.
Enfin, si je lui donne et la vie et l'empire,
Ces gages incertains ne me peuvent suffire.
Atalide
Quoi donc? à son amour qu'allez-vous proposer?
Roxane
S'il m'aime, dès ce jour il me doit épouser.
Atalide
Vous épouser! O ciel! que prétendez-vous faire?
Roxane
Je sais que des sultans l'usage m'est contraire;
Je sais qu'ils se sont fait une superbe loi
De ne point à l'hymen assujettir leur foi.
Parmi tant de beautés qui briguent leur tendresse,
Ils daignent quelquefois choisir une maîtresse;
Mais toujours inquiète avec tous ses appas,
Esclave, elle reçoit son maître dans ses bras,