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vérité s'accorde avec la renommée,

Madame. Osmin a vu le sultan et l'armée.

Le superbe Amurat est toujours inquiet;

Et toujours tous les cœurs penchent vers Bajazet:

D'une commune voix ils l'appellent au trône.

Cependant les Persans marchaient vers Babylone,

Et bientôt les deux camps au pied de son rempart

Devaient de la bataille éprouver le hasard.

Ce combat doit, dit-on, fixer nos destinées;

Et même, si d'Osmin je compte les journées,

Le ciel en a déjà réglé l'événement,

Et le sultan triomphe ou fuit en ce moment.

Déclarons-nous, Madame, et rompons le silence:

Fermons-lui dès ce jour les portes de Byzance,

Et sans nous informer s'il triomphe ou s'il fuit,

Croyez-moi, hâtons-nous d'en prévenir le bruit.

S'il fuit, que craignez-vous? s'il triomphe, au contraire,

Le conseil le plus prompt est le plus salutaire.

Vous voudrez, mais trop tard, soustraire à son pouvoir

Un peuple dans ses murs prêt à le recevoir.

Pour moi, j'ai su déjà par mes brigues secrètes

Gagner de notre loi les sacrés interprètes:

Je sais combien crédule en sa dévotion

Le peuple suit le frein de la religion.

Souffrez que Bajazet voie enfin la lumière:

Des murs de ce palais ouvrez-lui la barrière;

Déployez en son nom cet étendard fatal,

Des extrêmes périls l'ordinaire signal.

Les peuples, prévenus de ce nom favorable,

Savent que sa vertu le rend seule coupable.