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Me trompiez-vous tantôt au ſortir de ces lieux,
Lorſque encor tout ému de vos derniers adieux,
Tremblant d’avoir oſé s’expliquer devant elle,
Votre cœur me contoit ſon audace nouvelle ?
Vous fuyiez un hymen qui vous faiſoit trembler.
Cet hymen eſt rompu. Quel ſoin peut vous troubler ?
Suivez les doux tranſports où l’Amour vous invite.

Antiochus

Arſace, je me vois chargé de ſa conduite.
Je jouirai long-temps de ſes chers entretiens :
Ses yeux mêmes pourront s’accoutumer aux miens ;
Et peut-être ſon cœur fera la différence
Des froideurs de Titus à ma perſévérance.
Titus m’accable ici du poids de ſa grandeur :
Tout diſparoît dans Rome auprès de ſa ſplendeur ;
Mais, quoique l’Orient ſoit plein de ſa mémoire,
Bérénice y verra des traces de ma gloire.

Arsace.

N’en doutez point, Seigneur, tout ſuccède à vos vœux.

Antiochus

Ah ! que nous nous plaiſons à nous tromper tous deux !

Arsace.

Et pourquoi nous tromper ?

Antiochus

Et pourquoi nous tromper ? Quoi, je lui pourrois plaire ?
Bérénice à mes vœux ne ſeroit plus contraire ?
Bérénice, d’un mot, flatteroit mes douleurs ?
Penſes-tu ſeulement que parmi ſes malheurs,
Quand l’Univers entier négligeroit ſes charmes,
L’ingrate me permît de lui donner des larmes ;
Ou qu’elle s’abaiſſât juſques à recevoir
Des ſoins qu’à mon amour elle croiroit devoir ?

Arsace.

Et qui peut mieux que vous conſoler ſa diſgrâce ?
Sa fortune, Seigneur, va prendre une autre face.
Titus la quitte.