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TRAGÉDIE. 345

Phèdre. Ah , douleur non encore éprouvée l A quel nouveau tourment je me fuis réfervée î Tout ce que j'ai fouifert, mes craintes , mes tranfports, La fureur de mes feux , l'horreur de mes remords , Et d'an refus cruel l'infuportable injure , N'étoit qu'un foible eflai du tourment que j'endure. Ils s'aiment ! Par quel charme ont-ils trompé mes yeux? Comment fe font-ils vus ? Depuis quand ? Dans quels lieux ? Tu le favois. Pourquoi me laiflbis-tu féduire î De leur furtive ardeur ne pouvois-tu m'inftruire ? Les a-t-on vus fouvent fe parler , fe chercher î Dans le fond des forêts alloient-ils fe cacher î Hélas , ils fe voyoient avec pleine licence I Le ciel de leurs foupirs approuvoit l'innocence. Ils fuivoient , fans remords, leur penchant amoureux. Tous les jours fe levoient clairs &: fereins pour eux. Ft moi , trifle rebut de la nature entière , Je me cachois au jour , je fuyois la lumière ; La mort eft le feul dieu que j'ofois implorer» J'attcndois le moment où j'allois expirer , Me nourrifTant de fiel , de larmes abreuvée. Encor dans mon malheur de trop près oblervée ," Je n'ofois dans mes pleurs me noyer à loilîr. Je goûtois , en tremblant , ce funefte plailîr ; Et , fous un front ferein déguifant mes aJlarmcs , Il falloir bien fouvent me priver de mes larmes ,

(S N O NE.

Quel fruit recevront-ils de leurs vaines amours î Ils ne fe verront plus.

Phèdre.

Ils s'aimeront toujours. Au moment que je parle, ah , mortelle pcnfée l Ils bravent la fureur d'un amante infenfée. Malgré ce même exil , qui va les écarter , Ils font mille fcrmens de ne fe point quitter. Non , je ne puis fouffrir un bonheur qui m'outrage > (Enone. Prends pitié de ma jaloufe rage.

Pv

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