5ii PHEDRE,
Qu'un foin bien diffeient me trouble & me dévore l
HlPPOLYTE.
Madame, il n'eft pas temps de vous troubler encore. Peut-être votre époux voit encore le jour. Le Ciel peut à nos pleurs accorder fon retour. Neptune le protège, & ce Dieu tutélaire Ne fera pas en vain imploré par mon père.
Phèdre. On ne voit point deux fois le rivage des morts. Seigneur. Puifque Théfée a vu les fombres bords , En vain vous efpérez qu'un Dieu vous le renvoie ; Et l'avare Achéron ne lâche point fa proie. Que dis-je ?I1 n'eft point mortpuifqu'il refpire en vous. Toujours devant mes yeux je crois voir mon époux. Je le vois , je lui parle 5 & mon cœur ... Je m'égaie , Seigneur 3 ma folle ardeur, malgré moi, fe déclare»
Hll'POLYTE.
Je vois de votre amour l'efFet prodigieux.
Tout mort qu'il eft , Théfée eft préfent â vos yeux.
Toujours de fon amour votre ame eft embrafée.
P H E JD R E.
Oui, prince, je languis , je brûle pour Théfée, Je l'aime , non point tel que l'ont vu hs enfers , Volage adorateur de mille objets divers , Qui va du Dieu des mores deshonorer la couche ; Mais fidèle, mais fier , & même un peu farouche , Charmant, jeune, traînant tous les cœurs après foi, Tel qu'on dépeint nos dieux , ou tel que je vous voi. Il avoir votre port , vos yeux , votre langage , Cette noble pudeur coloroit fon vifage , Lorfque de notre Crète il traverfa les flots , Digue fujec des vœux des filles de Minos. Que faifiez-vous alors ? Pourquoi, fans Hippolyce , Des héros de la Grèce afièmbla-t-il l'élite ? Pourquoi, trop jeune encor , ne pûtes-vous alors Entrer dans le vaifleau qui le mit fur nos bords î Par vous auroit péri le monftte de la Crète ^ Malgré îous les déjours de fa vafte retraite»
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